- La spiruline, vous connaissez.?
- oui, bien sûr, cette algue que l'on trouve dans les boutiques du genre " écologie " et qui sert à doper les sportifs !
- c'est aussi un magnifique reconstituant alimentaire, très intéressant dans le Tiers-monde...
- Bof ! encore un nouveau produit du genre beefsteak de pétrole des années 70, qui après avoir endormi les bonnes consciences des riches a sombré dans l'oubli !
- Non ! rien à voir... et d'abord la spiruline est un produit naturel peut-être l'ancêtre de tout le règne végétal sur la planète.
Dès la création du FONDS MONDIAL, les membres du Conseil d'Administration se sont intéressés aux techniques nouvelles susceptibles d'apporter un supplément de matières alimentaires, en particulier des protéines, surtout lorsqu'il est possible d'utiliser ces techniques au niveau de la famille, du village ou de la coopérative rurale. L'aide à ces techniques nouvelles est un but d'ailleurs inscrit dans nos statuts.
C'est vers les ressources de l'aquaculture que notre intérêt s'est tout d'abord porté.
A la fin de l'année 1982, j'ai eu le privilège de recevoir chez moi le Professeur Raoul DERIGEARD, de Montpellier, qui a bien voulu faire pour nous un tour d'horizon des possibilités de l'aquaculture en matière de lutte contre la faim. Elles sont nombreuses et intéressantes, mais il nous a surtout incité à nous intéresser à l'algoculture, et c'est ainsi que nous avons pris connaissance de deux sortes d'algues microscopiques, les chlorelles et les spirulines. Ces dernières ont été découvertes, ou plutôt redécouvertes en 1968, au Tchad.
Par la suite, ayant cherché des informations sur ces algues, les membres du Conseil ont, ici ou là, pris connaissance d'écrits, ou rencontré des scientifiques, et c'est sur la spiruline que s'est quelque peu focalisé notre intérêt.
Un exceptionnel revitalisantLa spiruline, maintenant bien connue des scientifiques, possède des qualités nutritives exceptionnelles. Au dire de l'ensemble des professionnels, l'algue contient 70 à 73 % de protéines. Elle contient du fer, du bétacarotène (pro - vitamine A) en quantité 15 fois plus importante que dans la carotte, de la vitamine B 12 et E, des vitamines du groupe B, des acides gamma-linoléniques, et du calcium, du phosphore et du magnésium en même quantité que dans le lait. Séchée et réduite en poudre, la spiruline se conserve très bien à l'abri de l'humidité. L'exceptionnelle concentration d'éléments nutritifs dans cette petite algue, apporte évidemment un immense espoir. On considère en général que pour rééquilibrer une ration " carencée " (constituée uniquement de manioc par exemple), 7 à 10 grammes de spiruline par jour suffisent. |
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Bien que l'intérêt de l'emploi de cette algue ne soit pas reconnu encore par tous, bien des centres nutritionnels, des communautés villageoises et en Asie même des gouvernements (Inde, Chine, Bangladesh) s'y intéressent et commencent à la cultiver
Mais, hors des lieux naturels, de plus en plus rares, où pousse la spiruline, sa culture est une affaire assez complexe. Elle exige un fort ensoleillement, des températures minimales de 20 degrés, moyennes de 28 à 30 degrés. On doit construire des bassins et obtenir, naturellement ou artificiellement des eaux à forte teneur en sels minéraux et azote pour avoir une production maximum, et un brassage est généralement nécessaire pour éviter le "brûlage" des algues ; il peut être apporté par les vents ou créé mécaniquement.
La spiruline peut se cultiver d'une manière extensive (famille ou village) semi-intensive, ou intensive. La Californie et le Mexique produisent de la spiruline, son utilisation n'est pas uniquement liée à l'alimentation des pays pauvres et à la lutte contre la malnutrition : de la spiruline on peut tirer un colorant bleu, le seul " bleu naturel ", et dans les sociétés riches, elle peut se concevoir comme un médicament de confort : régimes amaigrissants, reconstituant musculaire pour les sportifs
A notre avis, c'est évidemment dans le traitement des enfants atteints de malnutrition et des maladies de carences qui en découlent (marasme, kwashiorkor, etc. que la, spiruline présente son plus grand intérêt, en tout cas, c'est l'utilisation la plus humanitaire.
Bien des hôpitaux et centres nutritionnels des pays pauvres commencent a s'intéresser à cette algue.
Yves PERQN*, Citoyen du Monde, travaille avec la spiruline en Amérique Latine. Le Docteur Patricia BUCAILLE*, de Toulouse (France), a effectué d'intéressants travaux d'essais sur la spiruline en hôpital au ZAIRE, travaux qui débouchèrent sur sa thèse de doctorat médical. Cette thèse pourra être très utile pour l'emploi de la spiruline contre la malnutrition infantile.
A.C.M.A.* qui s'est constituée autour des travaux du Docteur FOX, soutient des projets d'algoculture en Afrique, en Inde et en Amérique du Sud. La particularité des travaux du Docteur FOX est de proposer pour la culture de l'algue des " systèmes intégrés villageois " où la construction des bassins, l'ensemencement, la fertilisation, la récolte et l'utilisation des algues est une entreprise entièrement autonome, autosuffisante et intégrée.
L'OICN*, soutenue par Madame le Professeur BREMOND*, chef d'un laboratoire de physiologie végétale à Angers, ou BECCMA*, sorte d'association - conseil dont le siège est à Nantes, soutiennent ou organisent des projets d'algoculture un peu partout dans le monde.
A l'heure actuelle, il n'y a certainement pas, sur l'ensemble de la planète, une production suffisante de spiruline pour satisfaire les besoins " humanitaires. "
Les productions intensives des USA et du Mexique fournissent une partie de cette demande et en France on peut acheter à "Flamand Vert"* de petites quantités, mais pour une utilisation plus généralisée, il serait souhaitable que cette spiruline soit produite en autosuffisance, directement dans les pays d'utilisation.
C'est dans cet esprit que le FONDS MONDIAL a soutenu le projet SOLARIUM au Chili.
Francisco AYALA et son équipe, soutenu techniquement par ACMA, BECCMA et d'autres organismes dont notre FONDS MONDIAL ont installé en 1990 à LA HUAYCA province d'Atacama au Chili, sous l'appellation " SOLARIUM ", une production semi-intensive de spiruline qui est une belle réussite.
Rose - Marie GAUDLITZ, membre chilienne de notre Conseil d'Administration a eu l'occasion, au cours d'une mission en Amérique du Sud, en Février - Mars de cette année, de vérifier la compétence et le dynamisme de cette équipe de Chiliens. Elle y a d'ailleurs rencontré Jean-Paul JOURDAN, d'ACMA, qui visitait également SOLARIUM.
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Le Conseil d'Administration prépare un programme global d'organisation de ce projet, dont la première action sera sans doute l'information à LUSSAC-LES-CHATEAUX (Vienne, France). Nous devrons ensuite trouver des partenaires co-financeurs pour ce projet qui, en cas de réussite, nous permettrait d'envisager une extension des cultures de spiruline à d'autres régions. Notre association apporterait ainsi sa contribution à cette nouvelle forme de lutte contre la faim. Une dose d'espoirConvenons qu'il serait impensable et immoral d'imaginer la pilule de spiruline qui, ajoutée au bol de riz, réglerait à bon compte pour les riches de la planète les problèmes de la malnutrition et de la faim. Mais je suis persuadé qu'avec l'aide de nombreux chercheurs, la multiplicité des études et des essais, une information correcte au niveau de l'emploi, et l'organisation sérieuse d'une distribution humanitaire, la culture de cette petite algue sera dans l'avenir d un immense secours pour ceux qui doivent sur le terrain lutter contre la malnutrition. N'est-il pas symbolique que ce " fossile vivant " ancêtre de règne végétal de la planète, que nous redécouvrons aujourd'hui puisse, si la solidarité entre les hommes veut bien s'organiser autour, apporter sa contribution dans la lutte contre la faim, aidant ceux qui luttent comme ceux qui souffrent à retrouver un peu d'espoir ? Bernard Muet |